lundi 30 juin 2014

Entretien avec Coralie David


A l'instar de quelques camarades comme Anthony "yno" Combrexelle ou Laurent "Bob Darko" Devernay, j'ai été sollicité il y a quelques semaines par Coralie David afin de répondre à quelques questions concernant mon rapport au jeu de rôle en tant qu'auteur, et tout cela dans le cadre de sa thèse de littérature comparée sur le sujet. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le podcast de Radio Rôliste où intervient la demoiselle. 

A l'instar de mes collègues, je me propose de retranscrire ici cet entretien pour ceux que cela intéresse. Histoire de meubler un peu ce blog en attendant une actu' plus étoffée ! 

Comment définiriez-vous votre métier ou votre activité dans le JdR ?

- Je suis principalement auteur sur diverses gammes (Qin, Devâstra, la Brigade chimérique, Luchadores, Hexagon Universe…) et à l’occasion chef de projet sur celles que j’ai initiées (principalement la Brigade chimérique et Hexagon Universe).
Je suis également contributeur dans les magazines de la presse rôliste – comme Di6dent, Casus belli ou Mythologica –, pour lesquels j’écris des articles ou du matériel de jeu.

Qu’est-ce qui vous a motivé à co-créer Devâstra et Qin ? Un thème, un genre, une commande d’éditeur ? Quels étaient vos objectifs lorsque vous avez co-créé ces JdR ?

- Les deux cas sont différents.

Pour Qin, ce fut une conjonction heureuse. Je suis passionné par la culture populaire chinoise et ce depuis mon plus jeune âge. Le 7ème Cercle avait Qin en projet depuis quelques temps et m’a demandé de rejoindre l’équipe. Ce fut donc la parfaite combinaison entre une commande d’éditeur et une envie personnelle. La motivation était la conséquence naturelle de ces deux éléments : me montrer le plus professionnel possible vis-à-vis d’un éditeur me faisant confiance sur un projet d’ampleur et satisfaire le vieux désir de créer un jeu prenant racine dans la Chine ancienne.
Dès lors, mes objectifs furent de concilier l’attente de l’éditeur avec ma propre vision de ce que devait être Qin. Nous devions fusionner l’approche historique (très sérieuse et documentée) avec la composante plus cinématographique issue des films de sabre de Hong Kong – et ce afin de proposer un jeu solide mais ludique. Rendre hommage à l’histoire et à la mythologie de la Chine grâce à ce bel écrin qu’est le jeu de rôle.

Sur Devâstra, l’impulsion première est venue de Laurent Devernay et moi. Nous sommes tous deux passionnés de mangas et désirions créer un jeu de rôle qui, tant dans son univers que ses mécanismes, émule un genre particulier de la bande-dessinée japonaise : le shonen (c'est-à-dire les mangas riches en action et combat dont les représentants les plus connus sont Dragon Ball, Saint Seiya ou Naruto). Notre objectif était de décortiquer les codes de ce type de récit pour les injecter dans Devâstra – que ce soit en termes de règles et de construction de l’univers – afin de proposer une expérience ludique qui rappelle aux joueurs le meilleur de ces sagas.
Devâstra fut édité par le 7ème Cercle puis par Pulp Fever, mais il s’agit avant tout d’un jeu d’auteurs : Laurent Devernay et moi-même.

Vous avez été chef de projet sur l’adaptation de La Brigade chimérique en jeu de rôle et avez co-écrit Hexagon Universe. Quelles sont les contraintes spécifiques quand on travaille sur un univers créé pour un autre média ?

- Elles ne sont finalement pas différentes de celles déjà rencontrées sur Qin ou Devâstra.
Dans Qin, il y avait l’intention d’injecter des éléments issus du wuxia pian (le film de sabre chinois façon Tigre & Dragon) et dans Devâstra, celle d’émuler les codes du manga shonen. Dans ces deux cas, on travaillait déjà sur la meilleure façon d’importer des principes issus d’autres médias (cinéma, bande-dessinée…) dans un jeu de rôle. Certes en se référant à des genres plus qu’à des œuvres précises mais l’idée est la même – et la réflexion est identique.
Pour la Brigade chimérique et Hexagon Universe, le cheminement est finalement le même à l’envers. Dans la Brigade chimérique, si la base de l’adaptation était bien l’œuvre éponyme, nos avons élargi à tout ce dont elle-même s’inspirait : à savoir le courant littéraire du merveilleux-scientifique, cette rétro-science-fiction d’avant-guerre qui foisonnait à l’époque. De même dans Hexagon Universe, nous adaptons certes les comics issus de cette franchise mais aussi l’esprit général du comic-book de super-héros – façon Marvel ou DC.

À partir de là, je ne sais pas si l’on peut parler de contraintes. Il y a bien sûr celle de respecter le matériau original, mais c’est implicite – les auteurs de celui-ci mais aussi les fans attendent d’en retrouver la substantifique moelle dans l’adaptation en jeu de rôle. On ne s’autorise pas à faire n’importe quoi, on respecte l’œuvre et si l’on souhaite en développer tel ou tel point en allant plus loin, on ne le fait qu’avec l’approbation et la validation des auteurs. Il faut donc non seulement bien connaître le matériau sur lequel on travaille mais aussi le courant plus large dans lequel il s’inscrit – afin que ce que l’on propose reste dans une certaine logique, une continuité avec l’œuvre adaptée.
En tant que chef de projet, la contrainte est plutôt logistique. Il faut gérer plusieurs groupes : les auteurs de l’œuvre, l’éditeur de l’œuvre, les auteurs du jeu, l’éditeur du jeu. On se tient au centre de tout cela et il faut assurer le lien, faire circuler l’information, tenir compte des avis des uns et des autres, arrondir les angles, trouver des solutions, ménager des susceptibilités, trouver des compromis, etc. C’est un travail qui peut être fatigant mais surtout très gratifiant quand on parvient à créer la bonne synergie et que tout se passe en harmonie. C’est un poste très valorisant.

Ensuite, plus que des contraintes, je dirais qu’il y a un travail d’appropriation de l’œuvre qui mène à une réflexion basique : décortiquant le matériau original (bien souvent avec l’aide de ses auteurs), comprenant ses codes, extrayant ses éléments forts, comment puis-je injecter tout cela dans un jeu de rôle de façon satisfaisante ? Il n’y a pas que les règles à penser – bien qu’elles soient un élément important – mais aussi la façon de présenter l’univers. Un film, un roman ou une bande-dessinée racontent une histoire de façon linéaire avec ses héros et l’univers n’est qu’un arrière-plan ; dans un jeu de rôle, l’univers (incluant ses enjeux, ses thématiques, etc.) doit être au premier plan car il est le décor où vont se dérouler les aventures (créées bien souvent par le meneur de jeu) vécues par les personnages (créés par les joueurs).
Background comme système de jeu doivent dès lors sous-tendre tout votre travail d’adaptation : il faut que le rôliste qui est aussi fan de l’œuvre originale retrouve ce qu’il y a aimé et ait réellement l’impression de faire jouer dans cet univers précis et pas dans un cadre générique sur lequel on aurait artificiellement plaqué un décorum rappelant le matériau adapté…

Lorsque vous écrivez un jeu de rôle, qu’est-ce qui vous inspire en premier lieu ? Le système ? L’univers ? Le type de personnages que les joueurs interpréteront ? Les scénarios potentiels ? Ou est-ce toujours différent ? Un mélange de ces éléments ?

- Souvent, l’envie part d’un genre avant tout. Plus qu’un univers, c’est la façon de l’aborder par un angle particulier qui me pousse à écrire un jeu de rôle. Si l’on prend l’exemple de la Chine ancienne, on peut y associer différents genres : le récit d’art martiaux (dont sont issus les films de sabre) ou le polar (façon Juge Ti) par exemple. Même si l’univers est le même, la proposition ludique est totalement différente selon que l’on va se focaliser sur un genre ou l’autre !
Et de là découle forcément tout le reste : le système (dans un jeu d’arts martiaux, les règles de combat vont prédominer ; dans un jeu d’enquête, il s’agira de mettre l’emphase sur l’investigation), le type de personnages (dans un jeu d’arts martiaux, des chevaliers vertueux vivant en marge de la société confucéenne ; dans un jeu d’enquête, des magistrats s’assurant de la stabilité de la société confucéenne), les scénarios potentiels (dans un jeu d’arts martiaux, des aventures échevelées pleine d’action ; dans un jeu d’enquête, des énigmes et autres mystères à résoudre pour élucider un crime)… Même la présentation de l’univers – pourtant le même – va différer : dans un jeu d’arts martiaux, on va détailler les clans du monde des rivières et des lacs, les différentes écoles de kung-fu, les marges de la société chinoise classique ; dans un jeu d’enquête, on va porter le focus sur l’organisation sociale, le système judiciaire, les méthodes d’investigation disponibles à l’époque.

Comment définissez-vous un système de jeu de rôle ? Quel est son rôle ?

- Le système de jeu selon moi, c’est l’ensemble des règles aussi bien mécaniques (on lance tel type de dé) qu’induites par l’univers (on joue des bandits dans l’Ouest américain). Disons qu’il existe des règles explicites (voilà comment on résout une action) et d’autres plus implicites (dans l’Ouest américain, un cow-boy ne peut pas posséder un vaisseau spatial) qui sont tout aussi importantes.
Le rôle de ce système de jeu est d’être l’interface entre le joueur et la proposition ludique. La partie implicite des règles assure le lien entre le joueur et le thème, le genre ; la partie explicite quant à elle assure le lien entre le joueur et son personnage (bien souvent grâce à une fiche). Le système de jeu pris dans sa totalité permet donc au joueur de se connecter à l’univers et à son personnage et partant de là, lui indique la meilleure façon de s’impliquer dans l’expérience ludique particulière que propose ce jeu précis.

Comment définissez-vous le roleplay ?

- Pour moi, le roleplay n’est rien d’autre que la bonne interprétation d’un personnage (tel qu’il est défini par le système de jeu, explicite et implicite mélangés) par son joueur.
Et par « interprétation », je n’entends pas forcément théâtralité, obligation de parler à la première personne ou débitage de longues tirades enflammées. Je parle bien de faire réagir un personnage logiquement par rapport aux évènements qu’il vit, à l’univers qu’il arpente, à sa propre histoire fictive, etc. Un joueur type actor’s studio qui s’exprime à la perfection et monopolise la parole alors qu’il interprète un barbare mal à l’aise en société n’a pas un bon roleplay. Un joueur plus timide et rentré qui m’explique de façon extra-diégétique les arguments que son courtisan emploie pour convaincre le roi et fait ensuite son jet de dés me semble au contraire plus conforme à l’idée que je me fais d’un bon rolepay.

À votre avis, que permet de créer le jeu de rôle en termes de fiction, qui n’est pas possible dans d’autres médias ?

- J’ai deux réponses à cette question.

La première est classique. Le jeu de rôle permet de créer une narration réellement partagée  (bien qu’en général de façon inégalitaire) autour de la table, entre le meneur de jeu et ses joueurs (si je me place dans le cadre d’un jeu classique bien sûr). La fiction se construit en semi-improvisation sur une base donnée : le meneur de jeu amène un point de départ, un scénario, une situation ou un contexte puis l’histoire se déroule en fonction des apports des joueurs (au sens large : le meneur de jeu participe également). Cela permet une surprise permanente, un renouvellement constant du plaisir.
Là où un autre média narratif classique (roman, film…) se contente de livrer son histoire en allant d’un point A à un point B, le jeu de rôle permet d’intervenir à plusieurs sur la création de la fiction. Le fait que chaque héros soit dirigé par un joueur différent, que le monde soit mis en scène par un meneur de jeu : cela apporte une très grande diversité dans ce qui va être raconté car plusieurs cerveaux, plusieurs imaginations se recoupent – avec ce que cela peut impliquer d’incompréhension bien sûr (mais je dirais que ça fait aussi partie du plaisir, la nécessaire conciliation des univers mentaux de chacun).

L’autre point qui me paraît important, c’est le phénomène d’appropriation – une chose que le jeu de rôle permet comme aucune autre forme de loisir narratif. Si bien sûr une saga cinématographique ou littéraire laisse à ses fans des espaces à investir du fait de leurs non-dits inhérents (l’Univers étendu de Star Wars en est un bon exemple, de même que la mode de la fanfiction), le jeu de rôle est quant à lui expressément conçu pour ça ! En tant qu’auteur, on crée un univers, un système et on propose tout ça à un large panel de joueurs. Chaque table s’en empare à sa façon ; chaque meneur de jeu va modifier les règles, imprégner le background de ses propres idées ou obsessions ; chaque joueur va apporter sa touche via son personnage ; etc. Là où un roman, un film restent tels qu’ils sont face à chaque lecteur / spectateur (bien que chacun puisse s’y projeter à sa façon ou le percevoir différemment de son voisin), un jeu de rôle donné sera utilisé de façon réellement diverse selon chaque table.
Pour un créateur, c’est très gratifiant en fait. On est toujours curieux de voir comment son jeu sera joué – on en a des échos en convention, on scrute les forums et on s’aperçoit de la diversité des approches dont un même produit peut faire l’objet. C’est même fascinant.

Pour vous, quel est le (ou les) jeux de rôle le plus « réussi(s) », dans le fond, la forme,  et pourquoi ?

- C’est une question embarrassante. Il est difficile de citer un nom ou un autre, car les goûts, les envies, les critères évoluent avec le temps et sa propre expérience, ses attentes…  Et il existe une telle diversité d’univers ou d’approches…
Pour moi, tout jeu qui parvient à aller au bout de sa proposition ludique parvient à atteindre son but et est le plus réussi dans sa catégorie – sans verser dans le politiquement correct. C’est à dire qu’il faut être capable de mettre en synergie le genre abordé, la présentation du background et la façon dont les règles vont pousser les joueurs à s’impliquer dans le style mis en avant – tout en se ménageant un léger « espace générique » afin de donner aux différents meneurs de jeu une zone à investir en fonction de leurs goûts propres.
Si bien sûr tout cela peut en plus être serti dans un bel écrin (joli livre, boîte bien remplie, nombreuses illustrations, matériel de jeu abondant…), c’est du bonus. Mais la forme ne doit pas masquer le fond.  

Quels sont vos systèmes de jeu préférés, pourquoi ?

- Je n’en ai pas de préférés dans l’absolu. J’attends d’un système de jeu qu’il ne soit pas générique et qu’il guide concrètement le joueur dans son interprétation du personnage et dans son implication dans l’univers. Le système de jeu doit soutenir la proposition ludique et pousser les joueurs (y compris le meneur de jeu) à se comporter tel qu’attendu par celle-ci.
Je suis partisan du courant du « system does matter » : c’est à dire que j’estime que les règles ne doivent pas juste être un système de résolution lambda qui s’efface derrière l’histoire. J’attends au contraire qu’elles aident à construire l’histoire dans la direction voulue par le thème, le genre du jeu. Qu’elles soient source de narration au même titre (même si pas forcément de même importante) que les idées du meneur de jeu ou l’interprétation de leurs personnages par les joueurs. Dans l’idéal, tout s’imbrique !

Quelles sont vos campagnes préférées, pourquoi ?

- Je ne pense pas en avoir jouées ou menées suffisamment pour me prononcer de façon pertinente. D’autant qu’en tant que meneur de jeu, je fais essentiellement jouer des campagnes sur lesquelles je suis auteur pour des gammes dont je suis partie prenante également.
J’adore ainsi bien sûr Tiàn Xia pour Qin et la Grande Nuit pour la Brigade chimérique – et en toute modestie, car ce que j’y admire, c’est surtout l’audacieuse imagination des deux auteurs qui en sont les réels concepteurs (respectivement Jérôme Larré et Willy Favre).
Pour éviter toutefois de botter en touche, je peux dire ce que j’attends d’une campagne : qu’elle me propose des expériences de jeu sortant de l’ordinaire. Je veux être bousculé dans mes habitudes de meneur ou joueur, devoir relever des défis dans l’un ou l’autre rôle, me frotter à des situations inhabituelles ou que l’on évite soigneusement de mettre en scène habituellement, etc. Même bonne, une campagne risque de rapidement m’ennuyer si elle se contente d’être classique et évite de se lancer des challenges.  Je veux être soufflé pendant la partie et en garder un souvenir impérissable (si possible indépendant de l’alchimie de la table de jeu : qui soit donc réellement du fait de la campagne).

Quels sont vos univers de jeu de rôle préférés, pourquoi ?

- Là encore, si je peux citer des types d’univers que j’apprécie plus que d’autres (essentiellement super-héros, occulte-contemporain, contexte asiatisant…), je préfère développer ce que j’attends plus particulièrement.
En réalité, moins que l’univers en lui-même, ce qui m’attire est plutôt le genre, le thème, la proposition ludique qui m’est faite. Je ne veux pas que l’on me dise « on joue dans la Chine ancienne » : cela ne me dit rien, ne fait rien vibrer, ne convoque aucune image excitante. Je préfère que l’on me dise « on joue des magistrats au service de l’Empereur de Chine, chargés d’assurer la stabilité de la société en faisant respecter la loi » : là, je sais ce que l’on me propose, je sais dans quel genre les parties vont s’inscrire, etc. Pour prendre un exemple concret et parlant, Star Wars – Aux Confins de l’Empire prend pour cadre l’univers (immensément vaste !) de la bien connue saga cinématographique. Mais il ne se limite pas à cela comme proposition et va plus loin en apportant un focus particulier : on y joue des contrebandiers, des chasseurs de prime, des mercenaires – bref, les marginaux et les francs-tireurs de cet univers, bien loin de la sempiternelle guerre entre l’Empire et la Rébellion. Ce choix oriente les parties, on s’inscrit plus dans le western spatial que dans la space fantasy qu’est normalement Star Wars.

Que pensez-vous de la distinction que font certains rôlistes entre story games et jeux de rôle ?

- Je connais mal les story games mais de ce que j’en comprends, ceux-ci se focalisent plus sur l’histoire que sur les personnages. J’ai l’impression que les joueurs y sont encouragés à intervenir de façon extra-diégétique sur la narration, grâce à des mécanismes que je qualifierai de méta-jeu. Hormis cela, je ne pense pas qu’il faille les ranger à part du jeu de rôle même s’ils semblent s’en écarter. Après tout, il existe déjà plusieurs courants au sein du loisir : des jeux plus centrés sur l’action, des jeux plus centrés sur les énigmes, des jeux plus centrés sur l’interprétation, des jeux sans dés, des jeux avec des cartes, des jeux en campagne, des jeux à usage unique, etc. Alors pourquoi pas des jeux focalisés sur la construction de l’histoire en elle-même ?

À vos yeux, qui sont les trois personnes les plus représentatives de la nouvelle génération d’auteurs de jeu de rôle français ? Qu’est-ce qui la caractérise, selon vous ?

- Je ne sais pas si on peut parler de « nouvelle génération » puisque les auteurs que je vais citer traînent leurs guêtres dans le milieu depuis un moment, mais je pense que Jérôme « Brand » Larré, Anthony « Yno » Combrexelle et Willy « Brainsalad » Favre représentent en tout cas le courant que j’apprécie dans le jeu de rôle actuel.
Ce sont des auteurs qui savent construire de réels projets ludiques – avec une idée précise en tête de ce qu’ils veulent obtenir en terme de rendu autour de la table. Ils conçoivent leurs jeux comme un tout, avec une grande cohérence, et ils ont de véritables univers en eux – univers qu’ils savent mieux que personne faire partager. Background, règles, ambiance graphique : ils parviennent à unifier tout cela et faire de chacun de leurs jeux un produit véritablement unique et marquant.
Ils n’hésitent pas non plus à bousculer les habitudes, à se remettre en question, à théoriser le jeu de rôle – mais toujours dans un but pratique. Ils inventent des formats et des styles, ils injectent des idées piochées ailleurs (cinéma, littérature, jeu vidéo…), ils étendent la définition de ce que peut être le jeu de rôle.
Et même lorsqu’il ne sont que contributeurs, ils apportent des compétences qui enrichissent considérablement le projet auquel ils participent.

Comment voyez-vous l’évolution du jeu de rôle dans le fond et la forme, et d’un point de vue économique au sens large ? (nouveaux modes de financement comme le crowdfunding, modes de distribution, rôle du Net, revues, conventions, etc.)

- Je n’ai pas beaucoup d’idées sur la question. On lit un peu tout et n’importe quoi sur l’évolution du marché notamment…
Pour le jeu de rôle en lui-même, c’est une forme d’expression encore très jeune (à peine quarante ans) et je pense qu’elle va bien sûr continuer à évoluer. De nouvelles formes peuvent apparaître : des hybrides s’appropriant des éléments de jeu de plateau ou de jeu de carte, des façons de pratiquer profitant du progrès technologique (le Net principalement), etc. Je manque sans doute d’imagination pour décrire tout ce qui va voir le jour dans les années / décennies à venir mais je suis persuadé que le jeu de rôle n’est pas condamné à stagner – notamment grâce au travail d’auteurs comme ceux précédemment cités.
Du point du vue du marché, il semble que le phénomène de la levée de fond puisse transformer le rapport auteur / éditeur / client. Pour le moment, je suis circonspect du fait des abus que j’observe mais le procédé en lui-même est prometteur – il va sans doute falloir attendre qu’un tri se fasse dans les pratiques et les propositions. Plus banalement, je crois que l’offre va continuer à s’élargie et donc à se fragmenter : une bonne chose d’un point de vue (la pluralité de l’offre) mais inquiétante d’un autre (l’étiolement des ventes par livre). 

Voilà, en espérant que tout cela vous aura un peu intéressés, je vous souhaite à tous de bonnes vacances ! 

1 commentaire:

  1. Whaou! C'est une vision du jdr que je partage en tous points de vue.
    Si tu le permets je te citerais car il y a certaines phrases qui font clairement écho à ma pensée.

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