lundi 21 janvier 2013

Masqué - tome 3



Histoire de se consoler de la fin des fêtes de fin d'année et - surtout - de la rentrée, Delcourt nous offre (enfin, il faut quand même payer hein !) le tome 3 de Masqué. Pour rappel : il s'agit d'une bande-dessinée de Serge Lehman et Stéphane Créty qui ramène les super-héros à Paris - qui dans cet univers est devenue une mégalopole nommée Paris-Métropole. 
Je ne peux que vous conseiller de braver les intempéries afin de vous procurer ce tome sorti la semaine dernière, car il lance la conclusion de la série (que l'on espère vite suivie d'une "saison 2" afin de continuer à explorer ce retour des super-héros en France !) de façon musclée. C'est d'ailleurs là le gros défaut de cet opus - en même temps que sa qualité : il est extrêmement dense, au point qu'on a le sentiment paradoxal qu'il contient trop et pas assez à la fois... 

Souvenez-vous, dans les tomes 1 et 2 de Masqué nous étaient présentés l'univers et les personnages : un futur incertain, à Paris-Métropole, le sergent Braffort - démobilisé après une mission catastrophique dans le Caucase - se voit proposer un poste de garde du corps du Préfet Beauregard. Celui-ci a des ambitions pour la ville, à laquelle il entend rendre sa grandeur passée. Explorant les bas-fonds de la cité, Braffort se retrouve transformé par une mytérieuse force en un surhomme. Et bien vite, il va devoir affronter son premier super-vilain : le Fuseur, qui n'est autre qu'un de ses amis.
Et au milieu de tout cela, de nombreux mystères sont semés comme autant d'indices intrigants dont on espère qu'ils vont converger peu à peu vers de fracassantes révélations : les Anomalies, les Nautoniers, le plasme, le repaire souterrain où Braffort a reçu ses pouvoirs...
Dans ce tome 3, Masqué enclenche la vitesse supérieure. Alors qu'arrive Noël sur la capitale, les parents Braffort viennent rendre une petite visite à leurs enfants - et le dîner de famille ne se déroule pas précisément dans une chaude ambiance de fête. Une introduction qui permet de mieux cerner le héros de cette saga, homme de devoir s'étant construit à rebours de l'idéologie de ses parents. On plonge alors directement dans les intrigues qui agitent Paris-Métropole : le préfet Beauregard charge Braffort d'aller espionner une réunion présidée par le maire de la ville - un conciliabule visant bien entendu à l'évincer. Mais en chemin, le nouveau surhomme croise un autre être étrange auquel la force - le plasme - a donné vie : une gargouille capable d'exorciser les démons qui hantent l'âme humaine. L'affrontement qui s'ensuit est des plus violents et se termine... non, ne gâchons pas la surprise - contentons-nous de préciser que Beauregard (qui porte bien son nom, comme tous les protagonistes de Masqué) finit par révéler son réel dessein à la fin de ce tome - et que du coup, le dernier volume se fait déjà attendre (surtout au vu de l'aperçu de sa couverture) !

Dans mon analyse des deux premiers tomes, j'ai déjà largement évoqué la théorie qui sous-tend Masqué (à savoir que le super-héros est une figure urbaine qui ne peut éclore que quand la ville atteint une masse critique - en terme de taille, de densité, de rayonnement -, d'où le nécessaire développement de Paris afin d'y attirer à nouveau des surhommes) ainsi que ses liens avec la Brigade chimérique (la notion de plasme notamment).
Ce troisième opus continue à développer l'histoire et le sous-texte en entremêlant les deux de façon étroite. Quand Cléo Villanova explique à Braffort le concept du plasme - ce quasi-subconscient de la ville -, comment ne pas y voir l'auteur nous expliquer subtilement sa démarche analytique du genre... Qu'est ce que le plasme, si ce n'est l'inspiration du scénariste qui remodèle la ville à son gré et la pousse à faire surgir en son sein de nouveaux super-héros ? La reconstruction d'un genre par la création du seul terreau à même de le sustenter, en somme. 
Ici, l'idée est même poussée plus loin : alors que dans les tomes précédents, c'était des humains qui se trouvaient sublimés par la force, ici c'est carrément une gargouille - plus exactement une chimère (un terme fort peu anodin) - qui se voit animée. C'est à dire un élément culturel fortement associé à Paris dans l'imaginaire populaire (la cathédrale Notre Dame, Victor Hugo...), ce qui accrédite l'idée que c'est la cité elle-même qui cherche à se doter d'une population de sur-êtres - comme pour développer une sorte de théâtre sur les planches duquel pourront se jouer drames et comédies à une échelle supérieure, et ainsi attirer l'attention sur elle. En somme, la ville se nourrit de la grandeur et du rayonnement qu'elle-même suscite à l'origine (après que les projets du préfet l'ait réveillée). D'ailleurs, la fin de ce tome de Masqué semble aller en ce sens : tous les acteurs sont en place et Beauregard donne les trois coups de l'acte final. Même avec une population de surhommes si réduite, les histoires et les conflits se nouent presque naturellement et rendent à nouveau la ville "intéressante" : Paris s'assume ainsi comme un décor propice à y raconter de nouvelles histoires de super-héros. 

Comme précisé en introduction, ce volume 3 n'a comme seul défaut que sa trop grande densité narrative - on aurait aimé plus de pages pour développer toutes les intrigues qui s'y dessinent (la réunion anti-Beauregard, le réveil de la chimère, le gambit final du préfet, le conflit intérieur de Braffort...). 
Hormis cela, c'est à nouveau un sans-faute pour Masqué : la narration est claire (bien que resserrée), le découpage dynamique (très beau combat entre Braffort et la gargouille), le dessin inspiré... Lehman et Créty nous livrent un travail à la hauteur des tomes précédents et qui préfigure un dernier acte épique - et dont on espère que la portée symbolique agira comme un électro-choc et inspirera scénaristes et dessinateurs. 
Rendez-vous donc au printemps pour la conclusion de cette saga

2 commentaires:

  1. J'ai dû rater un truc, j'étais persuadé qu'il était prévu en trois tomes, pas en quatre. Bon, je ne me plains pas...

    Il faudra que je le relise, cela dit; je l'i acheté samedi, mais je n'ai fait que le feuilleter.

    RépondreSupprimer
  2. Pour ma part je suis un peu moins enthousiaste que sur les deux premiers tomes. Je trouve le dessin inégal, j'ai rien eu l'impression de voir dans ce tome. Au final, on a un repas de parents gauchistes, une réunion des ennemis du préfet et l'apparition d'un "démon" qui n'en est pas un avec un vague combat. Plutôt court je trouve.
    Je me ferais un avis plus définitif sur le prochain et dernier tome, vu que les deux premiers m'avaient plutôt bien plu.

    RépondreSupprimer