A l'instar de quelques camarades comme Anthony "yno" Combrexelle ou Laurent "Bob Darko" Devernay, j'ai été sollicité il y a quelques semaines par Coralie David afin de répondre à quelques questions concernant mon rapport au jeu de rôle en tant qu'auteur, et tout cela dans le cadre de sa thèse de littérature comparée sur le sujet. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à écouter le podcast de Radio Rôliste où intervient la demoiselle.
A l'instar de mes collègues, je me propose de retranscrire ici cet entretien pour ceux que cela intéresse. Histoire de meubler un peu ce blog en attendant une actu' plus étoffée !
Comment définiriez-vous votre
métier ou votre activité dans le JdR ?
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Je suis principalement auteur sur diverses gammes (Qin, Devâstra, la Brigade chimérique, Luchadores, Hexagon Universe…)
et à l’occasion chef de projet sur celles que j’ai initiées (principalement la Brigade chimérique et Hexagon Universe).
Je
suis également contributeur dans les magazines de la presse rôliste – comme
Di6dent, Casus belli ou Mythologica –, pour lesquels j’écris des articles ou du
matériel de jeu.
Qu’est-ce qui vous a motivé à
co-créer Devâstra et Qin ? Un thème, un genre, une
commande d’éditeur ? Quels étaient vos objectifs lorsque vous avez co-créé
ces JdR ?
-
Les deux cas sont différents.
Pour
Qin, ce fut une conjonction heureuse.
Je suis passionné par la culture populaire chinoise et ce depuis mon plus jeune
âge. Le 7ème Cercle avait Qin
en projet depuis quelques temps et m’a demandé de rejoindre l’équipe. Ce fut
donc la parfaite combinaison entre une commande d’éditeur et une envie
personnelle. La motivation était la conséquence naturelle de ces deux
éléments : me montrer le plus professionnel possible vis-à-vis d’un
éditeur me faisant confiance sur un projet d’ampleur et satisfaire le vieux
désir de créer un jeu prenant racine dans la Chine ancienne.
Dès
lors, mes objectifs furent de concilier l’attente de l’éditeur avec ma propre
vision de ce que devait être Qin. Nous devions fusionner l’approche
historique (très sérieuse et documentée) avec la composante plus
cinématographique issue des films de sabre de Hong Kong – et ce afin de proposer
un jeu solide mais ludique. Rendre hommage à l’histoire et à la mythologie de
la Chine grâce à ce bel écrin qu’est le jeu de rôle.
Sur
Devâstra, l’impulsion première est
venue de Laurent Devernay et moi. Nous sommes tous deux passionnés de mangas et
désirions créer un jeu de rôle qui, tant dans son univers que ses mécanismes,
émule un genre particulier de la bande-dessinée japonaise : le shonen (c'est-à-dire les mangas riches
en action et combat dont les représentants les plus connus sont Dragon Ball, Saint Seiya ou Naruto). Notre objectif était de
décortiquer les codes de ce type de récit pour les injecter dans Devâstra – que ce soit en termes de
règles et de construction de l’univers – afin de proposer une expérience
ludique qui rappelle aux joueurs le meilleur de ces sagas.
Devâstra fut
édité par le 7ème Cercle puis par Pulp Fever, mais il s’agit avant
tout d’un jeu d’auteurs : Laurent Devernay et moi-même.
Vous avez été chef de projet
sur l’adaptation de La Brigade chimérique
en jeu de rôle et avez co-écrit Hexagon
Universe. Quelles sont les contraintes spécifiques quand on travaille sur
un univers créé pour un autre média ?
-
Elles ne sont finalement pas différentes de celles déjà rencontrées sur Qin ou Devâstra.
Dans
Qin, il y avait l’intention
d’injecter des éléments issus du wuxia
pian (le film de sabre chinois façon Tigre
& Dragon) et dans Devâstra,
celle d’émuler les codes du manga shonen.
Dans ces deux cas, on travaillait déjà sur la meilleure façon d’importer des
principes issus d’autres médias (cinéma, bande-dessinée…) dans un jeu de rôle.
Certes en se référant à des genres plus qu’à des œuvres précises mais l’idée
est la même – et la réflexion est identique.
Pour
la Brigade chimérique et Hexagon Universe, le cheminement est
finalement le même à l’envers. Dans la
Brigade chimérique, si la base de l’adaptation était bien l’œuvre éponyme,
nos avons élargi à tout ce dont elle-même s’inspirait : à savoir le
courant littéraire du merveilleux-scientifique, cette rétro-science-fiction
d’avant-guerre qui foisonnait à l’époque. De même dans Hexagon Universe, nous adaptons certes les comics issus de cette franchise mais aussi l’esprit général du comic-book de super-héros – façon Marvel
ou DC.
À
partir de là, je ne sais pas si l’on peut parler de contraintes. Il y a bien
sûr celle de respecter le matériau original, mais c’est implicite – les auteurs
de celui-ci mais aussi les fans attendent d’en retrouver la substantifique
moelle dans l’adaptation en jeu de rôle. On ne s’autorise pas à faire n’importe
quoi, on respecte l’œuvre et si l’on souhaite en développer tel ou tel point en
allant plus loin, on ne le fait qu’avec l’approbation et la validation des
auteurs. Il faut donc non seulement bien connaître le matériau sur lequel on
travaille mais aussi le courant plus large dans lequel il s’inscrit – afin que
ce que l’on propose reste dans une certaine logique, une continuité avec
l’œuvre adaptée.
En
tant que chef de projet, la contrainte est plutôt logistique. Il faut gérer
plusieurs groupes : les auteurs de l’œuvre, l’éditeur de l’œuvre, les
auteurs du jeu, l’éditeur du jeu. On se tient au centre de tout cela et il faut
assurer le lien, faire circuler l’information, tenir compte des avis des uns et
des autres, arrondir les angles, trouver des solutions, ménager des
susceptibilités, trouver des compromis, etc. C’est un travail qui peut être
fatigant mais surtout très gratifiant quand on parvient à créer la bonne
synergie et que tout se passe en harmonie. C’est un poste très valorisant.
Ensuite,
plus que des contraintes, je dirais qu’il y a un travail d’appropriation de
l’œuvre qui mène à une réflexion basique : décortiquant le matériau
original (bien souvent avec l’aide de ses auteurs), comprenant ses codes,
extrayant ses éléments forts, comment puis-je injecter tout cela dans un jeu de
rôle de façon satisfaisante ? Il n’y a pas que les règles à penser – bien
qu’elles soient un élément important – mais aussi la façon de présenter
l’univers. Un film, un roman ou une bande-dessinée racontent une histoire de
façon linéaire avec ses héros et l’univers n’est qu’un arrière-plan ; dans
un jeu de rôle, l’univers (incluant ses enjeux, ses thématiques, etc.) doit
être au premier plan car il est le décor où vont se dérouler les aventures
(créées bien souvent par le meneur de jeu) vécues par les personnages (créés
par les joueurs).
Background comme
système de jeu doivent dès lors sous-tendre tout votre travail
d’adaptation : il faut que le rôliste qui est aussi fan de l’œuvre
originale retrouve ce qu’il y a aimé et ait réellement l’impression de faire
jouer dans cet univers précis et pas dans un cadre générique sur lequel on
aurait artificiellement plaqué un décorum rappelant le matériau adapté…
Lorsque vous écrivez un jeu de
rôle, qu’est-ce qui vous inspire en premier lieu ? Le système ?
L’univers ? Le type de personnages que les joueurs interpréteront ?
Les scénarios potentiels ? Ou est-ce toujours différent ? Un mélange
de ces éléments ?
-
Souvent, l’envie part d’un genre avant tout. Plus qu’un univers, c’est la façon
de l’aborder par un angle particulier qui me pousse à écrire un jeu de rôle. Si
l’on prend l’exemple de la Chine ancienne, on peut y associer différents
genres : le récit d’art martiaux (dont sont issus les films de sabre) ou
le polar (façon Juge Ti) par exemple.
Même si l’univers est le même, la proposition ludique est totalement différente
selon que l’on va se focaliser sur un genre ou l’autre !
Et
de là découle forcément tout le reste : le système (dans un jeu d’arts
martiaux, les règles de combat vont prédominer ; dans un jeu d’enquête, il
s’agira de mettre l’emphase sur l’investigation), le type de personnages (dans
un jeu d’arts martiaux, des chevaliers vertueux vivant en marge de la société confucéenne ;
dans un jeu d’enquête, des magistrats s’assurant de la stabilité de la société
confucéenne), les scénarios potentiels (dans un jeu d’arts martiaux, des
aventures échevelées pleine d’action ; dans un jeu d’enquête, des énigmes
et autres mystères à résoudre pour élucider un crime)… Même la présentation de
l’univers – pourtant le même – va différer : dans un jeu d’arts martiaux,
on va détailler les clans du monde des rivières et des lacs, les différentes
écoles de kung-fu, les marges de la société chinoise classique ; dans un
jeu d’enquête, on va porter le focus sur l’organisation sociale, le système
judiciaire, les méthodes d’investigation disponibles à l’époque.
Comment définissez-vous un
système de jeu de rôle ? Quel est son rôle ?
-
Le système de jeu selon moi, c’est l’ensemble des règles aussi bien mécaniques
(on lance tel type de dé) qu’induites par l’univers (on joue des bandits dans
l’Ouest américain). Disons qu’il existe des règles explicites (voilà comment on
résout une action) et d’autres plus implicites (dans l’Ouest américain, un
cow-boy ne peut pas posséder un vaisseau spatial) qui sont tout aussi
importantes.
Le
rôle de ce système de jeu est d’être l’interface entre le joueur et la
proposition ludique. La partie implicite des règles assure le lien entre le
joueur et le thème, le genre ; la partie explicite quant à elle assure le
lien entre le joueur et son personnage (bien souvent grâce à une fiche). Le
système de jeu pris dans sa totalité permet donc au joueur de se connecter à l’univers
et à son personnage et partant de là, lui indique la meilleure façon de
s’impliquer dans l’expérience ludique particulière que propose ce jeu précis.
Comment définissez-vous le roleplay ?
-
Pour moi, le roleplay n’est rien
d’autre que la bonne interprétation d’un personnage (tel qu’il est défini par
le système de jeu, explicite et implicite mélangés) par son joueur.
Et
par « interprétation », je n’entends pas forcément théâtralité,
obligation de parler à la première personne ou débitage de longues tirades
enflammées. Je parle bien de faire réagir un personnage logiquement par rapport
aux évènements qu’il vit, à l’univers qu’il arpente, à sa propre histoire
fictive, etc. Un joueur type actor’s
studio qui s’exprime à la perfection et monopolise la parole alors qu’il
interprète un barbare mal à l’aise en société n’a pas un bon roleplay. Un joueur plus timide et
rentré qui m’explique de façon extra-diégétique les arguments que son courtisan
emploie pour convaincre le roi et fait ensuite son jet de dés me semble au
contraire plus conforme à l’idée que je me fais d’un bon rolepay.
À votre avis, que permet de
créer le jeu de rôle en termes de fiction, qui n’est pas possible dans d’autres
médias ?
-
J’ai deux réponses à cette question.
La
première est classique. Le jeu de rôle permet de créer une narration réellement
partagée (bien qu’en général de façon
inégalitaire) autour de la table, entre le meneur de jeu et ses joueurs (si je
me place dans le cadre d’un jeu classique bien sûr). La fiction se construit en
semi-improvisation sur une base donnée : le meneur de jeu amène un point
de départ, un scénario, une situation ou un contexte puis l’histoire se déroule
en fonction des apports des joueurs (au sens large : le meneur de jeu
participe également). Cela permet une surprise permanente, un renouvellement
constant du plaisir.
Là
où un autre média narratif classique (roman, film…) se contente de livrer son
histoire en allant d’un point A à un point B, le jeu de rôle permet
d’intervenir à plusieurs sur la création de la fiction. Le fait que chaque
héros soit dirigé par un joueur différent, que le monde soit mis en scène par
un meneur de jeu : cela apporte une très grande diversité dans ce qui va
être raconté car plusieurs cerveaux, plusieurs imaginations se recoupent – avec
ce que cela peut impliquer d’incompréhension bien sûr (mais je dirais que ça
fait aussi partie du plaisir, la nécessaire conciliation des univers mentaux de
chacun).
L’autre
point qui me paraît important, c’est le phénomène d’appropriation – une chose
que le jeu de rôle permet comme aucune autre forme de loisir narratif. Si bien
sûr une saga cinématographique ou littéraire laisse à ses fans des espaces à
investir du fait de leurs non-dits inhérents (l’Univers étendu de Star Wars
en est un bon exemple, de même que la mode de la fanfiction), le jeu de rôle
est quant à lui expressément conçu pour ça ! En tant qu’auteur, on crée un
univers, un système et on propose tout ça à un large panel de joueurs. Chaque
table s’en empare à sa façon ; chaque meneur de jeu va modifier les
règles, imprégner le background de ses propres idées ou
obsessions ; chaque joueur va apporter sa touche via son personnage ;
etc. Là où un roman, un film restent tels qu’ils sont face à chaque lecteur /
spectateur (bien que chacun puisse s’y projeter à sa façon ou le percevoir
différemment de son voisin), un jeu de rôle donné sera utilisé de façon
réellement diverse selon chaque table.
Pour
un créateur, c’est très gratifiant en fait. On est toujours curieux de voir
comment son jeu sera joué – on en a des échos en convention, on scrute les
forums et on s’aperçoit de la diversité des approches dont un même produit peut
faire l’objet. C’est même fascinant.
Pour vous, quel est le (ou les)
jeux de rôle le plus « réussi(s) », dans le fond, la forme, et pourquoi ?
-
C’est une question embarrassante. Il est difficile de citer un nom ou un autre,
car les goûts, les envies, les critères évoluent avec le temps et sa propre
expérience, ses attentes… Et il existe
une telle diversité d’univers ou d’approches…
Pour
moi, tout jeu qui parvient à aller au bout de sa proposition ludique parvient à
atteindre son but et est le plus réussi dans sa catégorie – sans verser dans le
politiquement correct. C’est à dire qu’il faut être capable de mettre en
synergie le genre abordé, la présentation du background et la façon dont
les règles vont pousser les joueurs à s’impliquer dans le style mis en avant –
tout en se ménageant un léger « espace générique » afin de donner aux
différents meneurs de jeu une zone à investir en fonction de leurs goûts
propres.
Si
bien sûr tout cela peut en plus être serti dans un bel écrin (joli livre, boîte
bien remplie, nombreuses illustrations, matériel de jeu abondant…), c’est du
bonus. Mais la forme ne doit pas masquer le fond.
Quels sont vos systèmes de jeu
préférés, pourquoi ?
-
Je n’en ai pas de préférés dans l’absolu. J’attends d’un système de jeu qu’il
ne soit pas générique et qu’il guide concrètement le joueur dans son
interprétation du personnage et dans son implication dans l’univers. Le système
de jeu doit soutenir la proposition ludique et pousser les joueurs (y compris
le meneur de jeu) à se comporter tel qu’attendu par celle-ci.
Je
suis partisan du courant du « system does matter » :
c’est à dire que j’estime que les règles ne doivent pas juste être un système
de résolution lambda qui s’efface derrière l’histoire. J’attends au contraire
qu’elles aident à construire l’histoire dans la direction voulue par le thème,
le genre du jeu. Qu’elles soient source de narration au même titre (même si pas
forcément de même importante) que les idées du meneur de jeu ou
l’interprétation de leurs personnages par les joueurs. Dans l’idéal, tout
s’imbrique !
Quelles sont vos campagnes
préférées, pourquoi ?
- Je ne pense pas en avoir jouées ou menées suffisamment
pour me prononcer de façon pertinente. D’autant qu’en tant que meneur de jeu,
je fais essentiellement jouer des campagnes sur lesquelles je suis auteur pour
des gammes dont je suis partie prenante également.
J’adore
ainsi bien sûr Tiàn Xia pour Qin et la Grande Nuit pour la
Brigade chimérique – et en toute modestie, car ce que j’y admire, c’est
surtout l’audacieuse imagination des deux auteurs qui en sont les réels
concepteurs (respectivement Jérôme Larré et Willy Favre).
Pour
éviter toutefois de botter en touche, je peux dire ce que j’attends d’une
campagne : qu’elle me propose des expériences de jeu sortant de
l’ordinaire. Je veux être bousculé dans mes habitudes de meneur ou joueur,
devoir relever des défis dans l’un ou l’autre rôle, me frotter à des situations
inhabituelles ou que l’on évite soigneusement de mettre en scène
habituellement, etc. Même bonne, une campagne risque de rapidement m’ennuyer si
elle se contente d’être classique et évite de se lancer des challenges. Je veux être soufflé pendant la partie et en
garder un souvenir impérissable (si possible indépendant de l’alchimie de la
table de jeu : qui soit donc réellement du fait de la campagne).
Quels sont vos univers de jeu
de rôle préférés, pourquoi ?
- Là encore, si je peux citer des types d’univers que
j’apprécie plus que d’autres (essentiellement super-héros,
occulte-contemporain, contexte asiatisant…), je préfère développer ce que
j’attends plus particulièrement.
En
réalité, moins que l’univers en lui-même, ce qui m’attire est plutôt le genre,
le thème, la proposition ludique qui m’est faite. Je ne veux pas que l’on me
dise « on joue dans la Chine ancienne » : cela ne me dit
rien, ne fait rien vibrer, ne convoque aucune image excitante. Je préfère que
l’on me dise « on joue des magistrats au service de l’Empereur de
Chine, chargés d’assurer la stabilité de la société en faisant respecter la loi » :
là, je sais ce que l’on me propose, je sais dans quel genre les parties vont
s’inscrire, etc. Pour prendre un exemple concret et parlant, Star Wars – Aux
Confins de l’Empire prend pour cadre l’univers (immensément vaste !)
de la bien connue saga cinématographique. Mais il ne se limite pas à cela comme
proposition et va plus loin en apportant un focus particulier : on y joue
des contrebandiers, des chasseurs de prime, des mercenaires – bref, les
marginaux et les francs-tireurs de cet univers, bien loin de la sempiternelle
guerre entre l’Empire et la Rébellion. Ce choix oriente les parties, on s’inscrit
plus dans le western spatial que dans la space fantasy qu’est
normalement Star Wars.
Que pensez-vous de la
distinction que font certains rôlistes entre story games et jeux de rôle ?
-
Je connais mal les story games mais de ce que j’en comprends, ceux-ci se
focalisent plus sur l’histoire que sur les personnages. J’ai l’impression que
les joueurs y sont encouragés à intervenir de façon extra-diégétique sur la
narration, grâce à des mécanismes que je qualifierai de méta-jeu. Hormis cela,
je ne pense pas qu’il faille les ranger à part du jeu de rôle même s’ils
semblent s’en écarter. Après tout, il existe déjà plusieurs courants au sein du
loisir : des jeux plus centrés sur l’action, des jeux plus centrés sur les
énigmes, des jeux plus centrés sur l’interprétation, des jeux sans dés, des
jeux avec des cartes, des jeux en campagne, des jeux à usage unique, etc. Alors
pourquoi pas des jeux focalisés sur la construction de l’histoire en
elle-même ?
À vos yeux, qui sont les trois
personnes les plus représentatives de la nouvelle génération d’auteurs de jeu
de rôle français ? Qu’est-ce qui la caractérise, selon vous ?
-
Je ne sais pas si on peut parler de « nouvelle génération » puisque
les auteurs que je vais citer traînent leurs guêtres dans le milieu depuis un
moment, mais je pense que Jérôme « Brand » Larré, Anthony
« Yno » Combrexelle et Willy « Brainsalad » Favre
représentent en tout cas le courant que j’apprécie dans le jeu de rôle actuel.
Ce
sont des auteurs qui savent construire de réels projets ludiques – avec une
idée précise en tête de ce qu’ils veulent obtenir en terme de rendu autour de
la table. Ils conçoivent leurs jeux comme un tout, avec une grande cohérence,
et ils ont de véritables univers en eux – univers qu’ils savent mieux que
personne faire partager. Background, règles, ambiance graphique :
ils parviennent à unifier tout cela et faire de chacun de leurs jeux un produit
véritablement unique et marquant.
Ils
n’hésitent pas non plus à bousculer les habitudes, à se remettre en question, à
théoriser le jeu de rôle – mais toujours dans un but pratique. Ils inventent
des formats et des styles, ils injectent des idées piochées ailleurs (cinéma,
littérature, jeu vidéo…), ils étendent la définition de ce que peut être le jeu
de rôle.
Et
même lorsqu’il ne sont que contributeurs, ils apportent des compétences qui
enrichissent considérablement le projet auquel ils participent.
Comment voyez-vous l’évolution
du jeu de rôle dans le fond et la forme, et d’un point de vue économique au
sens large ? (nouveaux modes de financement comme le crowdfunding, modes de distribution, rôle du Net, revues,
conventions, etc.)
-
Je n’ai pas beaucoup d’idées sur la question. On lit un peu tout et n’importe
quoi sur l’évolution du marché notamment…
Pour
le jeu de rôle en lui-même, c’est une forme d’expression encore très jeune (à
peine quarante ans) et je pense qu’elle va bien sûr continuer à évoluer. De
nouvelles formes peuvent apparaître : des hybrides s’appropriant des
éléments de jeu de plateau ou de jeu de carte, des façons de pratiquer
profitant du progrès technologique (le Net principalement), etc. Je manque sans
doute d’imagination pour décrire tout ce qui va voir le jour dans les années /
décennies à venir mais je suis persuadé que le jeu de rôle n’est pas condamné à
stagner – notamment grâce au travail d’auteurs comme ceux précédemment cités.
Du
point du vue du marché, il semble que le phénomène de la levée de fond puisse
transformer le rapport auteur / éditeur / client. Pour le moment, je suis
circonspect du fait des abus que j’observe mais le procédé en lui-même est
prometteur – il va sans doute falloir attendre qu’un tri se fasse dans les
pratiques et les propositions. Plus banalement, je crois que l’offre va
continuer à s’élargie et donc à se fragmenter : une bonne chose d’un point
de vue (la pluralité de l’offre) mais inquiétante d’un autre (l’étiolement des
ventes par livre).
Voilà, en espérant que tout cela vous aura un peu intéressés, je vous souhaite à tous de bonnes vacances !
Whaou! C'est une vision du jdr que je partage en tous points de vue.
RépondreSupprimerSi tu le permets je te citerais car il y a certaines phrases qui font clairement écho à ma pensée.