dimanche 13 septembre 2009

Écrire du JdR - de l'utilité d'un certain relativisme...

Depuis quelques temps, on voit fleurir sur certains blogs et forums diverses interrogations sur le marché du jeu de rôle, mais désormais aussi accompagnées de la question : pourquoi faire son petit jeu dans son coin, qui ne va intéresser que 5 clampins maximum (dont le petit frère de l'auteur et son cousin attardé) ? Comme si la reconnaissance par un large public avait finalement valeur de certification qualité, un adoubement par le succès public. On l'aura compris, pourquoi des auteurs comme l'excellent yno s'acharnent à pondre des obscurs Notre Tombeau au lieu d'écrire des suppléments pour D&D4 ?

Notre ami et modèle Willy Brain.salad Favre répond partiellement à cette question sur son forum - notamment en expliquant qu'avoir le choix, c'est pas mal aussi et que les blockbusters à la Bay, c'est sympa cinq minutes mais y a des gens qui apprécient aussi les séries B de Carpenter ou les films d'auteur de Lynch. Ce en quoi je suis totalement d'accord.
Depuis quand avoir le choix est-il un problème ? Que des auteurs aient envie d'écrire un jeu de rôle et parviennent à l'éditer, moi j'applaudis des deux mains - oui, même pour Maggus ou Arrrrrgh. Cela prouve qu'il y a une envie de créer et cela créé du choix, ce qui est toujours une bonne chose ; personnellement, une étagère de boutique avec que du D&D et du Warhammer, ça me déprimerait - heureusement qu'on y trouve les sympathiques livrets de John Doe ou des XII Singes pour agrémenter aussi. Profusion de thèmes, d'inspirations, de genres ne peut nuire contrairement à ce que disent certains et le taux de geekitude d'un projet ne présume en rien de son succès commercial - que je sache, les elfes et les nains, c'est pas spécialement mainstream dans la société de tous les jours non plus...
D'autant que l'histoire du jeu de rôle est pleine de succès surprises. Oh certes pas forcément des cartons au niveau du Grand Ancêtre, mais des jeux qui ont pleinement justifié leur existence par un accueil critique et public très favorable. Prenons Patient 13, une des meilleures ventes de John Doe malgré son orientation très "niche". Ou Humanydyne, jeu de super-héros français (tout en couleur) qui a fait sold out et jouit d'une excellente réputation. Quant à moi, je me souviens avec émotion de l'annonce de la mise en chantier de Qin : les Royaumes combattants. A l'époque, il était de bon ton pour certains "spécialistes" auto proclamés de dire que ce serait un gros flop : jeu historique qui marche jamais en France, pays méconnu, période inintéressante, éditeur connu pour avoir eu quelques soucis sur ses gammes par le passé... On connaît la suite de l'histoire : un gros carton en France, une version anglaise, quelques prix aux ENnies. Bien sûr après coup, les mêmes jeuderôlogues qui jouaient les catastrophistes mais adorent refaire l'histoire accusent Qin d'être commercial, d'avoir mis toutes les chances de son côté, d'être un blockbuster attendu, etc. Passons.

La touche personnelle que j'aimerai apporter à ce débat est la suivante : même les ventes de D&D4 aux USA - qui feraient pâlir d'envie n'importe quel éditeur hexagonal - ne sont rien face aux chiffres de la vraie industrie de l'entertainment. J'entends par là : le cinéma, la série TV, le jeu vidéo voire même la BD. Sérieusement, c'est peanuts de peanuts. Une goutte d'eau.
De là : et bien oué, écrire du jeu de rôle sera toujours une activité marginale et si l'on prend un peu de recul, entre D&D4 et la prochaine sortie de la Boîte à Polpette, y a aucune différence. C'est comparer un électron et un neutron : à l'oeil nu, on voit rien. Donc pourquoi complexer ? Auteur de jeu à succès ou d'un simple jeu produit sur Lulu.com et qui aura intéressé dix personnes : même combat, bon sang ! L'acte de créer se suffit à lui-même et si en plus il participe à la vigueur créative de notre loisir, au choix des univers dans lesquels s'immerger : alors merde, mais où est le problème ? Il y a de la place pour tous, de l'uchronie belliciste germano-russe à l'Inde manga en passant par un Albator à la sauce française, et au final Darwin fera son oeuvre : ne resteront que les "meilleurs".
Mais se priver d'écrire, d'éditer un projet par complexe face aux géants déjà en place, c'est se priver - nous priver - d'une opportunité de rêver, de s'évader, de jouer. C'est surtout s'empêcher de voir jusqu'où son jeu peut aller - qui sait, peut-être pourra t'il devenir le prochain gros succès ou aura t'il une fanbase suffisante pour vivre quelques années. N'est ce pas déjà bien suffisant ?
Imaginez le même débat dans l'univers des jeux de plateau... "Non mais pourquoi tu as créé Ghost Stories au lieu de faire une extension Traders & Banksters pour le Monopoly ?" Sérieusement, vous concevez un tel post sur le forum de Tric Trac ? Moi pas. Il faut croire qu'il existe des gamers plus ouverts que d'autres.

Bref, à tous les auteurs (et éditeurs) qui me lisent : j'ai juste envie de dire ÉCRIVEZ, CRÉEZ et ÉDITEZ si vous le pouvez. Adoptez la fuck it attitude vis à vis des Cassandre, laissez vous porter par votre envie et allez au bout. Faîtes nous rêver, offrez nous des univers et des systèmes. Donnez nous du choix ! Et que vive le jeu de rôle, dans toute sa merveilleuse diversité.

20 commentaires:

  1. C'est très vrai, merci merci ! Ca (re)donne envie de continuer !

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  2. Quelle flamme ! ça fait vraiment plaisir et balaie tous les doutes pouvant subsister devant certaines discussions forumistes.

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  3. Que dire de plus que mes petits camarades ? Sinon que j'approuve à 200%...

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  4. Tout pareil que Alias, comme le monsieur dit.

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  5. cool ^^ rien de plus à dire ;)

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  6. Merci Rom1 pour ce chouette article.

    Ecrire est juste une question d'envie, de plaisir

    Editer par contre c'est aussi parfois une question de prise de risque.

    Il y a de la place pour tout type de jdr, comme dit le proverbe "qu'importe le flacon pourvu que l'on ait l'ivresse".

    En tant que lecteur joueur j'aime autant un jdr ambiance Inde ou Sable rougeoyant qu'un DD4.

    En tant qu'auteur j'ai eu la chance d'intégrer des gros projets, c'est très intéressant mais une démarche plus personnelle, un jdra me plait aussi bcp. Toujours l'histoire de flacon et d'ivresse, allez j'arrête là vous allez me prendre pour un alcoolique ^^

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  7. À propos, je suis tombé sur un vieux forum où tu disais "un JDR sur Summer me botterait bien aussi". URUK sur www.basicrps.com

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  8. Ah oui tout à faire, bien qu'encore assez peu cultivé sur cette civilisation, j'avoue que Sumer serait un univers passionnant à explorer. Mixer une fois de plus l'Histoire aux mythes (Gilgamesh) pourrait AMHA donner un résultat plus qu'intéressant.

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  9. Pas tout à faire : j'ai commencé. Tu peux jeter un oeil dessus, tous les avis sont bons à prendre.
    www.basicrps.com/uruk/URUK_BRP.com
    C'est amateur, certainement imparfait (J'ai déjà une deuxième version dans mon pc), mais c'est là.

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  10. Oups, erreur de frappe : je voulais écrire "tout à fait" ! :D
    Je vais zyeuter ça de ce pas.

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  11. Le problème n'a jamais été la création, mais l'attitude des créateurs. Que des gens écrivent et rêvent, c'est excellent. Qu'ils le fassent avec des oeillières et/ou suffisance, c'est déjà plus dommage.

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  12. C'est pas forcément qque chose que j'observe fréquemment, à part dans les fantasmes et oeillères justement de quelques forumistes bornés.
    La plupart des gens qui écrivent aiment faire partager leur enthousiasme et parler de ce qu'ils font. Si c'est pris pour de la suffisance, c'est dommange...

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  13. Comme Rom1 pour avoir côtoyé un paquet d'auteurs de jdr, je n'ai jamais trouvé de suffisance chez eux, de la passion oui en revanche.
    Je crois que nombre de forumistes se font de fausses idées sur les auteurs de jdr, c'est dommage que certains clichés perdurent...

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  14. J'en sais rien, je fréquente plus les forums.

    Mais, quant à l'aveuglement et à la suffisance, vous avez bien de la chance parce que je pourrais en citer trois cas spectaculaires rien qu'en piochant dans ma propre expérience (ce que je ne ferai pas, parce que j'ai pas envie).
    Par contre, je n'ai jamais entendu personne se plaindre du foisonnement créatif. Au pire, a-t-on pu pointer du doigt la complaisance dont on (on = à peu près tout le monde, dont moi parfois) a pu faire preuve à l'endroit de créations marginales. Pas en leur trouvant des qualités qu'elles n'avaient pas, mais en leur conférant un statut particulier justement parce qu'elles s'intégraient dans une logique de mise en avant de la marginalité, qu'on a pu présenter comme une volonté de révolutionner le fond ou la forme.

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  15. Bah je ne dis pas non plus que ces défauts n'existent pas et je suis moi-même tombé dans ce travers à certaines périodes. Et je connais une ou deux personnes dont l'ego dépasse de loin le talent.
    Après, la "complaisance" envers la marginalité n'a pas forcément eu que des mauvais côtés. Je me souviens de la vague indie en PDF, présentée à l'époque comme la nvlle évolution du JdR. Actuellement, s'il n'en reste pas forcément gd-chose, cela a permis l'émergence d'auteurs et éditeurs qui ont pu se faire remarquer par ce biais et proposer des choses nouvelles, innovantes, qui ont fini par s'intégrer dans le mainstream.
    Après tout, on a tous commencé petit et on était bien content que nos oeuvres, aussi modestes soient-elles, trouvent un petit écho ici ou là (perso c'était un fanzine et deux suppléments amateurs). Et il est possible que ce soit ces encouragements qui aient poussé certaines d'entre nous à aller encore plus loin, jusqu'à l'édition pro'.

    Après si tu ne fréquentes plus les forums (surtout un), je comprend que tu ne vois pas réellement de quoi je peux parler. Bénis ta chance.

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  16. On va pas chercher la petite bête : je suis assez d'accord avec toi.

    Et je bénis ma chance, tout en me demandant pourquoi vous êtes si nombreux à continuer de poster, si c'est si pénible.

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  17. C'est simple : je suis banni du forum le plus pénible, donc en fait je n'y pose pas. Reste que j'y lis des conneries tellement grosses...

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  18. Bel article,
    Oui vraiment. Un petit truc pourrait être rajouté sur la passion. Le fait est que ces créations ne sont pas qu'une expression d'envie, d'ego et de talent, elles sont aussi données pour être partagées, critiquées et jouées. C'est ce qui distingue le jdr de pas mal de chose : il est pour le public et l'auteur affronte cela : cela lui donne envie de faire mieux, d'aller plus loin, cela le bloque parfois mais... au final, c'est bien de création partagée et non figée qu'il s'agit. Alors oui, le talent c'est de créer !

    Que les créations soient reconnues comme talentueuses ou non par 5 ou 5000 joueurs, le jdr garde sa beauté aussi parce qu'il est pratiquement toujours "artisanal et unique".

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