Plutôt bien enthousiasmé par Braquo, chroniqué sur ce même blog récemment, j'ai décidé de me plonger plus avant dans les séries françaises - afin de constater si la production commence enfin à valoir le détour.
C'est surtout vers le vivier des fictions Canal + que je me suis tourné, car il semble qu'on y trouve les seules séries (autre que format court & comique) réellement audacieuses et intéressantes. Engrenages, Reporters, Mafiosa et plus récemment Pigalle la Nuit par exemple. Je me suis donc tourné vers Reporters, dont le sujet m'intéressait bien, et je viens de terminer la première saison.
Reporters parle de journalisme - mais pas que. La série suit grosso modo deux rédactions : celle de 24 Heures dans le Monde, un journal de référence, et celle de TV2F, une grande chaîne du service public (on reconnaît assez facilement les modèles derrière ces noms). La narration est éclatée entre divers personnages tous intéressants (le jeune chien fou, la chroniqueuse politique, le directeur de la rédaction du journal, le vieux cynique, etc.), suivant leurs enquêtes et affaires qui les voient parfois se croiser. Un fil rouge se détache : un mystérieux trafiquant d'armes, un pays africain en état de guerre civile, une prise d'otages dans une ancienne république soviétique et en arrière-plan, des rumeurs de remaniement ministériel avant une échéance électorale.
La grande force de Reporters, c'est d'arriver en seulement huit épisodes à lier tous ces éléments pour traiter de la réalité du métier de journaliste actuellement. De ce point de vue, la série est ambitieuse et audacieuse : entre le rachat du journal par un groupe capitaliste qui va peu à peu exercer des pressions sur la rédaction pour ne pas déplaire à ses annonceurs, la frilosité d'une chaîne de télé soucieuse de ne pas froisser les politiciens au pouvoir, les magouilles à différents niveaux, les entorses à la déontologie, la façon dont les milieux médiatiques et politiques s'engagent dans d'incestueuses relations, etc. Vraiment tout est abordé, sans complaisance inutile mais sans fausse pudeur. Tout sonne juste.
En ce sens, Reporters est une série politique - ce qui est assez courageux en France, où ces choses ne sont que rarement abordés dans la fiction, surtout télévisuelle. Oh bien sûr, aucun nom réel n'est cité mais il n'est pas dur de voir de quoi la série parle... Le ministre de l'intérieur aux dents longues qui marche sur ses collègues du gouvernement pour arriver au pouvoir et est ami avec les patrons de presse rappelle furieusement quelqu'un, par exemple.
Si Reporters fonctionne si bien outre son audace et son scénario imbriquant parfaitement ses nombreuses intrigues, c'est que chaque élément est également soigné.
La réalisation est efficace, abusant parfois du cut dans le plan pour faire rythmée, mais en tout cas on est loin de la fadeur de bien des productions télévisuelles nationales. Ça bouge, ça va vite et la densité narrative est importante - seulement huit épisodes, mais remplis ras-la-gueule ; on ne s'ennuie à aucun moment.
Les acteurs sont sacrément bons. Vraiment, leur naturel est étonnant : ils incarnent leurs personnages à la perfection, ne sont pas des gravures de mode, semblent réels. Ils sont bien aidées par des dialogues sonnant justes et des situations réalistes. On se demande d'ailleurs pourquoi de tels acteurs n'apparaissent pas plus souvent au cinéma... C'est en particulier vrai pour l'acteur incarnant l'homme d'affaires trouble Paul Guérin : un physique et une voix, un charisme qui dévore l'écran.
En bref, c'est après Braquo à nouveau une bonne surprise avec Reporters. L'espoir renaît dans la fiction télévisuelle française - certes à petite échelle (seul Canal + ose réellement) mais c'est un pas en avant.
Je vais pouvoir m'attaquer à la saison 2 de cette série, qui promet pas mal au vu des enjeux restés en suspens à la fin de la première saison... Je reviendrai bien sûr en parler ici.
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