jeudi 9 février 2012

Masqué - tome 1



Un peu plus d'un an après la conclusion de la Brigade chimérique, une nouvelle bande-dessinée de Serge Lehman sort dans les bacs - chez Delcourt cette fois-ci. Et de quoi parle donc cette nouvelle saga illustrée, sobrement intitulée Masqué ? Et bien, mais de super-héros voyons ! 
Premier tome d'une série qui en comptera quatre - tous à paraître d'ici janvier 2013 -, Masqué - Anomalie se présente dans un format typiquement franco-blege : 48 pages sous couverture cartonnée - superbe, soit dit en passant, et des plus évocatrices.
Ce billet se propose modestement de faire une critique de cette bande-dessinée. Attention cependant, il sera truffé de spoilers : si vous n'avez pas encore lu ce tome, faites-le avant d'attaquer ce qui suit ! 

"Blessé au cours d'une mission dans le Caucase, le sergent Franck Braffort regagne Paris après six ans d'absence. Il découvre une ville en pleine mutation orchestrée par le préfet Beauregard : Paris-Métropole. Une ville où le gigantisme rétro fait fureur et où se multiplient les "anomalies", évènements mystérieux que nul ne peut expliquer. Une ville qui va s'emparer de Braffort et lier leurs destins à jamais..."

Situé dans un avenir suffisamment proche pour être confondu avec notre présent, ce premier volume de Masqué est une longue introduction à la saga qui va suivre. On y suit ainsi l'ancien militaire Frank Braffort, de retour à Paris après avoir été victime d'un traumatisme dans le Caucase (et surtout témoin d'une étrange et furtive apparition). Désorienté dans cette métropole qu'il n'avait pas revu depuis six ans, il est hébergé par sa soeur Raphaëlle en attendant de trouver un travail - et ses repères. Paris est en effet devenue une capitale futuriste et tentaculaire sous la férule du préfet Beauregard - un homme qui a des projets dont seule une partie sera ici dévoilée - et dans laquelle des phénomènes inexpliqués ont lieu : les anomalies (des imitations spontanées d'organismes biologiques par des agrégats de matière inertes - métal, pierre, etc.). Après avoir sauvé le préfet de l'une de ces anomalies aux intentions meurtrières, Braffort est invité à découvrir quelques-uns des secrets qui dorment sous Paris-Métropole. Une force semble en effet dormir dans les tréfonds de la ville - une force liée à l'ex-sergent... Jadis, des hommes masqués faisaient régner la justice ou la terreur ici avant d'être oubliés et peut-être est-il temps pour eux de revenir sur le devant de la scène...

Pour Serge Lehman, la Brigade chimérique n'était qu'une première étape dans un processus de réappropriation du mythe super-héroïque en Europe. En faisant prendre conscience aux lecteurs de la richesse inouïe de leur patrimoine science-fictionnel et super-héroïque, le but était de les amener à prendre à bras le corps cet héritage pour le perpétuer, le moderniser, le continuer. 
Masqué semble être l'étape suivante : maintenant que nous savons que des surhommes européens - et français - ont existé, il es temps de les faire revenir et de repeupler le vieux continent avec ses dieux et héros oubliés ou rendus flous dans notre mémoire. Pour cela, l'action de cette bande-dessinée prend place dans un futur proche (presque le présent) et dans un décor familier - Paris - mais subtilement modifié (métropole immense et rétro-futuriste, la capitale est désormais une cité à l'égal de New-York ou Gotham). Une énergie semble parcourir cette ville comme si elle était vivante, comme si elle avait une mémoire avide de réveiller quelque chose. 
Les liens avec la Brigade chimérique, même si implicites, semblent bien réels (d'ailleurs, le tome 3 de Masqué s'intitulera Chimères & Gargouilles). Pas forcément sur un plan narratif bien sûr, mais surtout thématiquement comme on l'a vu. Et en particulier dans la façon de recycler les acquis et les codes du surhomme européen. En effet, le repère du Fantôme (variation sur Fantômas, tueur en série ayant marqué les esprits dans le passé de la ville - et divinité en devenir dans ce futur) se trouve en sous-sol et c'est encore plus profondément (dans une vaste grotte souterraine où l'on peut voir des ruines de château-fort, de temple, de cathédrale ainsi que d'étranges statues) que Braffort se verra adoubé par la force - comment et dans quel but : cela, nous le découvrirons dans les tomes suivants.

Ce premier tome de Masqué est fort prometteur. Ce n'est certes pour le moment qu'une introduction mais celle-ci parvient à nous donner suffisamment d'informations pour ne pas nous frustrer mais aussi suffisamment d'accroches pour que l'on ait hâte de lire la suite.
La mise en place du décor nous permet de nous familiariser immédiatement avec ce Paris-Métropole et chaque case fourmille d'innombrables détails qui sont à n'en pas douter un moyen d'approfondir le background de la ville. Les personnages sont très bien introduits et l'on se prend immédiatement de sympathie pour le héros. D'ailleurs, on remarque un intéressant travail sur les noms : Braffort, Beauregard, Fuseur, Villanova... Dans un récit super-héroïque français, de tels patronymes sont de véritables déclarations d'intention ! 
Si le scénario de Masqué est des plus intéressants - on n'en attendait pas moins de Serge Lehman -, le dessin n'est quant à lui pas en reste. Bien qu'ayant un style bien plus franco-belge que celui adopté par Gess sur la Brigade chimérique, Stéphane Créty a un trait particulièrement élégant et expressif, fort dynamique de surcroît quand il le faut (la scène où Braffort descend dans les tréfonds de la terre et y est baptisé par l'énergie mystérieuse est superbe). On remarque que la couleur est assurée par un autre artiste (Gaëtan Georges), qui donne au récit une belle ambiance grâce à un habile travail sur la lumière. D'ailleurs, cette façon de faire rappelle les comic-books et la parution régulière des tomes suivants tend également à rapprocher Masqué de ses cousins américains (sans parler des clins d'oeil comme le Glisseur-mirage). On ne peut que se réjouir de découvrir cette histoire dans son intégralité rapidement grâce à ce rythme soutenu.

Bref, il nous est démontré une nouvelle fois que le super-héros ne doit plus être vu comme une entité étrangère mais bien comme un élément de notre propre culture européenne. Après la Brigade chimérique qui nous expliquait que notre patrimoine était rempli de ces figures plus grandes que nature (même si nous les avions oubliées), Masqué a pour ambition de les réintroduire dans leur écosystème d'origine - enfin prêt à les accepter  de nouveau après cette longue ellipse.
Une noble intention dont on a hâte de voir la concrétisation à travers les tomes suivants de Masqué !

1 commentaire:

  1. J'ai toujours eu un peu de mal avec la "francisation" de ces patronymes héroïques. Je soupçonne que c'est en grande partie du au traumatisme de la traduction française de Elfquest...

    Ceci dit, j'ai également beaucoup aimé Masqué, même si ce premier volume tient plus de la mise en bouche que d'un réel premier épisode.

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